Rencontre du troisième type sur la route infernale

Attention : Certaines phrases de cet article sont de nature à heurter la sensibilité des lecteurs.

La brume est lourde ce matin. Elle semble tomber sans discontinuer dans une langueur monotone installant une ambiance grisâtre et morose dans le paysage. Je distingue difficilement la terrasse de ma voisine où je regardais autrefois les enfants jouer à chat perché. Je referme la fenêtre de la cuisine, transi par le froid, les doigts humides et engourdis. Malgré l’heure avancée de la journée, j’allume le néon de la cuisine pour contrer la très faible luminosité.

Ce matin, je pars pour une contrée perdue, loin de la civilisation. Cela fait plusieurs semaines que je prépare mon voyage. Mais chaque jours qui passe, je dois remettre au lendemain mon départ car les nouvelles sont mauvaises. Ils envahissent le pays et attaquent partout. Touchés par celui, et celle, dont on ne doit pas prononcer le nom, ils se transforment en pantins désarticulés, remplis de haine et de violence envers celles et ceux qu’ils aimaient juste avant. Et pour atteindre ma destination, je vais devoir emprunter des routes qu’ils ont peut-être déjà colonisé.

Je bois mon café sans me rendre compte que j’écoute un affligeant discours, construit sur une litanie de fake news, diffusé sur la seule radio qui émet encore. Depuis que les zombies ont touchés les journalistes, les médias diffusent leur message en boucle. Je me brûle « AÏE » … cette sensation brûlante sur ma langue me ramène à la réalité. Je n’ai pas encore été touché par la vague de zombification. Et la brûlure ne me ramène pas seulement à la réalité, elle me ramène aussi à la raison : ce n’est pas un café, c’est de la chirloute. J’ai mis des graines de topinambour dans mon concasseur car les graines de café ont disparus des étales des marchands depuis bien longtemps maintenant. Depuis que les zombies tiennent le pays, la vie est devenue très difficile. Se procurer des graines de café est devenue chose impossible. Alors c’est le système D. Mais pour mon café, mon système D est … imbuvable.

J’abandonne ma boisson brunâtre à l’odeur étrange et enfile ma doudoune polaire, la route sera longue et semée d’embûches. Dieu seul sait si j’atteindrai ma destination.

J’enfile la clé dans le neiman. Je tourne. Le moteur démarre. Une grande respiration et j’appuie délicatement sur l’accélérateur. je me dirige vers la porte de sortie de la résidence. Le bip donne l’ordre à la porte de s’ouvrir. La sombre clarté du jour mal levé engluée dans une brume épaisse envahi progressivement l’encadrure de la porte. Je m’engage à l’extérieur. Dehors, tout semble immobile, fixe, comme rigidifié par le poids d’un temps arrêté. Les rues sont vides. Pas une voiture, pas un piéton, même pas un chat dans cette sombruosité énigmatique.

Stop, stop, attends, t’es pas un peu lourdingue là ? Hein … jusqu’à inventer des mots qui n’existe pas. Franchement la … « sombruosité » et énigmatique en plus … tu peux pas dire simplement … « un jour qui manque lumière » ? Hein ? … pis tu veux pas ajouter le requiem de Mozart en musique de fond pour bien plomber l’ambiance ? hein ?

Ha oui, bien vu ton idée. Mais le requiem de Mozart c’est trop joyeux. Je vais mettre l’adagio d’Albinoni !

Je reprends … heuuu … blablabla la rue déserte, personne tout ça …aucun bruit, seul le moteur TDI 2 litres diesel de mon Audi perce le silence silencieux ou qu’y a pas un bruit. Oui là, j’avoue, je suis sponsorisé par le fabriquant de véhicule automobile, qui tente de se racheter une conduite, depuis que l’on a découvert que ses ingénieurs ont trafiqué les capteurs électroniques, pour faire croire que les voitures sont supers écologiques, alors qu’elles polluent comme des tracteurs agricoles.

Je m’engage sur l’autoroute. C’est une stratégie que j’ai imaginée au cours de mes cogitations des jours passés. En effet, les autoroutes sont fermées par une barrière de péage et entièrement canalisées par un grillage que les zombies ne peuvent franchir. Enfin, c’est vrai pour le grillage qui longe toute la route. Mais moins vrai pour les barrières qui sont toutes saccagées, brûlées, détruites par la rage des zombies. C’est d’ailleurs une de leurs premières exactions puisque les premiers cas de zombification ont été repérés au péage de Bandol, sur l’A50. C’était il y a 2 ans maintenant.

Ma voiture s’engage sur la rampe d’accès à l’autoroute. Toujours ce vide, personne, pas un véhicule sur cette A4 qui était toujours congestionnée dans la vie d’avant, celle de la liberté, de l’amour et de la bienveillance. Haa arrête ! Tu sais bien que c’est fini tout cela. Maintenant que celui, et celle, dont on ne doit pas prononcer le nom ont réussi à enclencher leur processus de zombification, c’est une vie faite de noir, de profondeur, de haine, de violence qui s’installe insidieusement chaque jour un peu plus.

J’avance avec la plus grande prudence, tous feux éteints pour ne pas attirer l’attention. Un grand panneau se profile sur ma droite. Difficile de distinguer son indication dans cette ambiance entre chien et loup. « Péage 2000 mètres ». J’approche du péage des éprunes, célèbre pour les faits d’arme zombies depuis quelques semaines. Il se dit que 5 automobilistes qui refusaient de se rendre aux agitateurs ont été capturés, dépouillés puis pendus par les pieds aux mâts des drapeaux APRR. Après 6 jours de diète totale, les 5 automobilistes ont accepté de suivre les zombies en échange d’un mauvais sandwich périmé de relais d’autoroute. Les zombies ont alors diffusé les images sur toutes les chaînes de télévision du pays pour montrer « le ralliement spontané du peuple ». Et celui dont on ne doit pas prononcer le nom a sorti son mégaphone et éructé ses flots de haine pour galvaniser les zombies. Pendant que sa compagne, dont on ne doit pas prononcer le nom également, envoyait sont compte rendu au chef suprême de l’organisation : Dark Vladim.

Je roule doucement pour ne pas éveiller l’attention. Ma voiture, grise comme la nuit, se glisse discrètement sur l’asphalte. Je les vois. Ils sont là, au milieu de la barrière de péage. Autour d’un feu de vieux pneus, ils regardent dans le vide des flammes. On les reconnait à leurs yeux rouges de haine qui percent le gris du jour mal levé. Ils ne m’ont pas encore repéré. Ils tiennent à la main, une bouteille d’un breuvage dont j’ignore la composition. Mais on peut légitimement penser que cette boisson contribue à maintenir active leur haine et leur violence.

Je perçois un regard qui se lève. Repéré ! A trop les observer, mon attention captée par le danger de ces zombies, je n’ai pas identifié de ligne de passage libre. Trop tard pour réfléchir, le danger est là, à moins de 200 mètres. J’appuie à fond sur l’accélérateur. La boîte S-Tronic (c’est le sponsor qui m’a demandé) réglée sur position « Sport » enclenche les vitesses à la volée. Ils courent vers moi. Je fonce vers la ligne la plus à gauche. Le compteur affiche maintenant 128 km/h. Oui, même en situation d’hyper-stress je veille à ne pas enfreindre le code de la route. Je suis comme ça moi.

Par chance la ligne semble vide, hormis la barrière elle-même bien entendu. Ils courent vers moi mais de manière erratique. Ils zigzaguent en brandissant leur bouteille au dessus de leur tête et me tuent de leur regard rouge flamboyant en bavant. Je m’engage dans le couloir de la ligne 1, la barrière vole en éclat, mon badge autoroute bipe alors que je suis déjà 500 mètres après la barrière. Je regarde dans mon retroviseur. Ils s’éloignent de ma vue. Un zombie retombe sur le sol. Visiblement j’ai du en heurter un qui a été propulsé en l’air. « Pas le choix ! » me dis-je, c’était lui ou moi. Difficile de se reconnaître dans ce type de comportement mais depuis qu’ils ont envahi les esprits, l’individualisme et la haine de l’autre sont devenus les repères de cette nouvelle vie.

Je bloque le régulateur de vitesse sur 130 km/h. Oui, c’est une sorte de comportement réflexe qui me ramène à ma vie d’avant. Celle où je respecte le code de la route pour respecter les autres et ne mettre la vie de personne en danger. L’asphalte défile en langueur monotone dans ce gris bitumineux. Les lignes blanches se suivent comme les wagons d’un train de fret de la SNCF. Seul depuis le départ et visiblement personne devant non plus, je pourrais accélérer puisqu’il n’y a plus aucun radars fonctionnels. Mais mes valeurs de respect de l’autre me commandent d’agir avec bienveillance même sans épée de Damoclès sur ma tête.

Je roule depuis un bon moment maintenant. Soudain, l’ordinateur de bord affiche un avertissement « Pause recommandée ! ». Dans la vie d’avant, j’aurais respecté cette suggestion de bon sens. Mais aujourd’hui, se rendre sur une aire de repos est devenu beaucoup trop dangereux. Les zombies les ont toutes cannibalisées et l’automobiliste qui s’y aventure est un automobiliste perdu. On raconte même que les zombies vous attrapent. Ils vous mordent au cou et vos yeux deviennent rouge triste. Ensuite, ils vous obligent à boire leur breuvage jusqu’à ce que vos yeux passent de rouge triste à rouge flamboyant de haine. Et le processus est terminé. vous êtes perdu à tout jamais … zombifié.

Les kilomètres défilent. Déjà 18 heures que je roule sans pause. Oui ça c’est pour le sponsor qui voulait montrer le caractère sobre de sa voiture. J’entre dans les grandes plaines de la Steppe orientale boisée d’Europe. Ce sont des espaces habituellement verts, mais aujourd’hui d’un blanc immaculé au plus fort de l’hiver. Des plaines vierges de toute trace de l’homme. La nature à l’état pure mais surtout … à l’état brut, sauvage comme si aucun homme n’était venu souiller cet endroit depuis le passage de Neandertal. Oui, ça c’est pour le côté profondément écolo révolté contre sa propre nature qui détruit le monde dans lequel il vit. Un peu façon autoflagellation du zadiste qui veut obliger tout le monde à revenir à une forme de vie qui n’a jamais existé mais dont il s’est auto-persuadé du bien fondé :

« – J’suis pas sûr que ça soit la bonne méthode, ni la bonne façon pour parler au chien, tu vois
– Il m’a pris mon poulet !
– Non, il t’a pas pris ton poulet. Il s’est servi en poulet ! Excuse-moi, je pense pas que ce soit à toi ou à nous de les éduquer. Mais plutôt à eux. Voilà ! Si y’a quelqu’un qui sont chez eux ici, c’est pas nous … c’est bien z’eux … ou nous … alors ? …
– quoi ?
– Ils sont arrivés sur terre avant nous jusqu’à preuve du contraire. Ils étaient là dés le début ou pas ? Dés le début hein ? -> approbation général au grand désarroi de Victor le parisien échoué dans cette communauté improbable » (on a les références qu’on peut, je vous laisse chercher)

Un panneau se profile sur tribord : « péage à 2500 mètres – Sortie 9 : Bulgnéville, Epinal par RN, Vittel, Contrexéville – km 176 ». Je lève le pied, la voiture décélère. J’observe les longues plaines d’un regard scrutateur et quand même un peu fébrile à l’idée de repérer un mouvement suspect ou même … un regard rouge flamboyant … TA TA DADA DAMmm (marche funèbre pour bien installer l’ambiance adéquate)

La barrière de péage semble déserte et abandonnée dans la sombruosité du jour mal levé ici aussi. Je me méfie toujours de l’eau qui dort. Regard à bâbord, regard à tribord, je ne repère aucun mouvement. La voie semble libre. Je sors mon bip autoroute et me présente devant la seule et unique voie de sortie. BIP … la barrière se lève, j’avance en me disant qu’avec les 28 747 kilomètres qui me séparent du précédent BIP, ça va me coûter un bras en péage. Rien, personne, le vide, les grands espaces devant moi me regardent comme le chamelier tunisien regarde le touriste suédois tout juste descendu de son avion … vous … voyez la métaphore … hein ?

J’avance doucement et me dirige vers le rond-point de la sortie. Regard à gauche, personne, je m’engage et tourne, contourne l’immense décoration champêtre et bucolique du rond-point. Soudain, derrière le chariot en bois rempli de géranium odorant, une équipe d’agents de sécurité de l’autoroute reconnaissables à leur gilet réfléchissant. Je pile ! Instinctivement, je sors de la voiture et fonce vers eux, toujours spontané dans mon désir de sauver des vies humaines.

Moi : « Bonjour ! Que se passe-t-il ? Un accident ? Je peux vous aider. S’il faut mettre en place une cellule psychologique, je suis … psychologue. »

Le grand gaillard devant moi se retourne lentement. Ses yeux me cherchent. Ils sont … rouges flamboyant ! Mon dieu, je me suis jeté dans la gueule du loup !

Le grand gaillard et ses acolytes semblent décontenancés par mon comportement. C’est visiblement la première fois qu’un automobiliste vient spontanément vers eux. A tel point qu’ils en lâchent leurs bouteilles.

Le grand gaillard : « Ha merde ! Ma kro ! Putain c’est du gâchis … une Kro … merde ! Dis tu sors d’où toi mon gars ? T’es du groupe d’au d’là du mont des désosseurs de parigots ? Vous n’avez pas les yeux rouge là-bas ? »

Moi : « Heuuu …. Voilà, c’est ça, je viens de très loin pour vous apporter la … parole des … des … adorateurs de celui, et celle dont on ne doit pas prononcer le nom ! »

Le grand gaillard : « Alors tu es le bienvenu mon gars ! Gérard … va donc me chercher une aut’ Kro ! Et apportes en une pour not’ nouvel ami … doit avoir bien soif après ce long voyage ! »

Moi : « Heuuu M’sieur Gérard, si vous pouviez m’apporter un Coca zéro plutôt …  »

Le grand gaillard : « Mais qu’est-ce que c’est que ce cul nul ! De toute façon ici, il n’y a que de la Kro ou … la gnôle de l’alambic de Gironcourt mais on ne l’ouvre pas avant d’avoir vidé les pack de Kro que tu vois là-bas. Donc pas avant … mouais … 21h30 ce soir. » dit-il dans un rôt tonitruant

Le grand gaillard pointe du doigt la remorque, attelée à un Peugeot Jumpy, et qui doit contenir environ 4 palettes de 250 packs de 36 canettes (je vous laisse faire le compte de canettes)

Le grand gaillard : « Dis Gérard, faudrait voir à pas oublier d’aller chercher la remorque d’aujourd’hui ! Faudrait pas qu’on manque quand même ! »

Gérard : « Ouaip gueule pas Bebert. Y’a le p’tit feugnert qu’est d’jà parti la récupérer … ta r’morque ! »

C’est comme ça, complètement par hasard, que je me suis fait accepter par la peuplade autochtone du rond point de l’autoroute. Visiblement, ils n’avaient pas complètement succombés à la folie zombificatrice de celui, et celle, dont on ne doit pas prononcer le nom. Mais je ne suis pas sauvé pour autant car désormais mon seul objectif va être de me sortir de ce guêpier.

Le grand gaillard : « Bon, faudrait voir à pas se disperser, hein ! Reprenons not’ débat sur la question du pourquoi qu’y font rien qu’à nous augmenter les taxes et les impôts ! »

Gérard : « Ouais c’est vrai ça ! Pourquoi, hein … pourquoi ? Bein j’vais vou’l dire moi ! J’ai lu ça sur internet. Y  disaient que c’était pour payer les chaussures des députés. Parce que les députés ça met pas des pompes comme nous. Ca met des chaussures en poutre de cuir mossieur et du cuir de crocodile. Et que le crocodile d’Afrique ça coûte une blinde. Alors toi tu te crèves au boulot pour payer les godasses des députés … la voilà la vérité … que j’te dis ! »

Le p’tit trapu en salopette verte : « Ouaip c’est exactement ça ! Salaud de député qui profitent du système ! On va leur casser la gueule !  »

Le mec à sa gauche : « T’as raison Paulo ! On va leur faire bouffer leurs godasses ! »

Le grand gaillard : « Wouhoooo silence les gars ! On a dit qu’on débattait. Donc qui est pour qu’on leur fasse bouffer leurs godasses ou est-ce qui en a qu’ont d’autres idées ? »

Moi : « heuuu, si je peux me permettre … »

Le grand gaillard : « Ouais ! Vas-y l’nouveau … on t’écoute ! »

Moi : « heuuu voilà … débattre, ça veut dire que l’on apporte des arguments … des arguments pour et des arguments contre … vous voyez ? »

Le grand gaillard : « Bein ouais, c’est qu’est-ce qu’on fait ! Gérard a dit qu’il a vu sur internet que les députés augmentent les impôts pour payer leurs godasses. Alors Paulo il a dit qu’il fallait leur casser la gueule ! Et maintenant on vote ! »

Moi : « heuuu c’est à dire … êtes-vous certains que l’information de base est vérifiée ? »

Le grand gaillard : « Qu’est-ce tu racontes ? Qu’est-ce tu dis ? »

Moi : « Bein … l’augmentation des impôts pour payer les chaussures ? Avez-vous vérifier cette information ? Et l’augmentation des impôts … vous êtes certains que les impôts ont augmenté ? »

Le grand gaillard : « Ouhouuuuuu tu s’rais pas en train d’nous embrouiller toi ? C’est comme ça que vous causez là-bas ? »

Moi : « Bein … oui, parce que dans les faits … les impôts … ils baissent … pour la première fois depuis plus de 10 ans. Suppression de la taxe d’habitation, suppression des cotisations chômage sur les salaires … automatiquement, on paie moins de taxes et moins d’impôts »

Le grand gaillard : « Ouhouuuuuu tu commences à me chauffer toi avec tes phrases qu’on comprend pas. Les impôts augmentent et pis c’est tout ! Hein les gars que les impôts font rien qu’à augmenter ? »

Le grand costaud en bottes et jean bleu : « Ha bein ouais ! Et pas rien qu’un peu mon gars. Tiens, pas plus tard qu’hier … bon … je discutais avec mon voisin. Bein vla-t-y pas qui me raconte que le fils du boucher, le fils à l’Albert … tu vois de qui j’cause ? Bon, bein, lui … bein … Hé bein il a payé … pu du … douuuu du tripe de l’année d’avant ! Hé bein il a plus rien mon gars, ruiné qu’il a dit …alors tu vois ! »

Le grand gaillard : « Le fils à l’Albert, tu veux dire le Bernard ? çui qui vient de racheter la ferme du père Marcelin ? »

Le grand costaud en bottes et jean bleu : « Mais ouais c’est bien çui-ci ! »

Les autres : « Ouais ouais … salaud de gouvernement … Ouais ouais … y nous pompe tout notre argent et il le donne aux plus riches ! C’est marqué sur internet alors tu vois … hein ! c’est bien la preuve ! »

Ensuite … bah … je me suis tu car j’ai compris que je risquais ma vie. J’ai fait semblant de boire la Kro avec eux. Quand ils sont passé à la gnôle de l’alambic de Gironcourt, ils avaient le regard tellement brumeux qu’ils n’ont même pas remarqué que j’avais pris la poudre d’escampette. Je suis remonté dans ma voiture. J’ai reculé en tournant à l’envers et j’ai quitté le rond-point sur la sortie opposée à leur campement.

J’ai roulé, roulé, encore plusieurs heures d’affilée (oui, c’est toujours le sponsor, la voiture vraiment très sobre tout ça).

Machinalement, j’ai allumé la radio comme avant, en oubliant qu’il ne restait qu’une seule fréquence, celle qui diffusait en boucle le message de celui dont on ne doit pas dire le nom :

« Ici Caracas ! Les français parlent aux français ! Camarades en lutte, écoutez-moi car … la république c’est moi ! L’ignoble capitaliste qui a pris mon palais appuyé par les forces capitalo-économico-libéralo-tout-ce-que-vous-voulez, a décidé de multiplier par 12 votre impôt sur le revenu dés le mois prochain ! 

Camarades rebelles membres du parti « les fourbes incontrôlés » apolitique répandez immédiatement l’ignoble information sur les réseaux sociaux !

Sus à l’occupant ! Aux armes camarades ! Vous êtes le peuple légitime puisque c’est moi qui vous le dis ! Répandez-vous dans la capitale et brûlez, cassez, pillez tout ce qui se trouve sur votre passage ! Et n’oubliez jamais que » tchak ! Là, j’ai coupé la radio car je n’en pouvais plus de cet appel à la haine.

Je n’étais plus sur l’autoroute mais les petites routes départementales étaient aussi désertes. Sinuant dans la longue plaine enneigée, je roulais sans trop vraiment savoir vers quelle destination. Puisque les zombies m’avaient empêchés d’atteindre ma destination, je n’avais plus d’autre stratégie pour rejoindre mon but.

C’est à ce moment qu’un bruit s’est échappé de ma portière. Un bruit étrange, presque familier mais oublié. On dirait … oui, on dirait … le son de mon téléphone qui me signalait autrefois l’arrivée d’un sms. Mais ça, c’était avant la destruction du réseau téléphonique par les zombies. Machinalement, je plonge la main dans le vide-poche de la portière. Je sens mon vieux téléphone Nokia 3210 coque noir écran lcd 2 pouces (oui, je suis aussi sponsorisé par une marque qui essaie de revenir sur le marché). Il est allumé, c’est étrange car je l’ai oublié dans ce vide-poche depuis tant d’années (« NOKIA, c’est plus fort que le nucléaire » -> c’est le slogan que je dois placer dans mon texte). J’ai reçu un sms ! J’appuie fébrilement sur la touche avec une petite enveloppe. Un chiffre : 97.4 … énigme …

97.4 ? Que dois-je comprendre ? le chiffre tourne dans mon esprit. Je pose toutes les hypothèses : dois-je parcourir 97.4 kms ? mais depuis où ? et vers où ? 97.4 minutes ? mais quand ? 97.4 grains de riz sur l’échiquier ? 97.4 grammes de choco-pops ? Et après ? 97.4 litres de Coca-zéro pour faire de l’aérophagie ? non, non décidément je ne vois pas …

Alors, toujours machinalement j’allume la radio et règle sur 97.4 méga hertz. Une voix agréable et douce répète, en boucle :

1. « Que votre parole soit impeccable »
Parlez avec intégrité, ne dites que ce que vous pensez vraiment. N’utilisez pas la parole contre vous-même, ni pour médire d’autrui. Utilisez la puissance de la parole dans le sens de la vérité et de l’amour. La parole est un outil qui peut détruire. Prenez conscience de sa puissance et maîtrisez-la. Pas de mensonge ni de calomnie.

2. « N’en faites pas une affaire personnelle »
Vous n’êtes pas la cause des actes d’autrui. Ce que les autres disent et font n’est qu’une projection de leur propre réalité, de leurs rêves, de leurs peurs, de leurs colères, de leurs fantasmes. Lorsque vous êtes immunisé contre cela, vous n’êtes plus victime de souffrances inutiles.

3. « Ne faites pas de suppositions »
Ne commencez pas à élaborer des hypothèses de probabilités négatives, pour finir par y croire, comme s’il s’agissait de certitudes. Ayez le courage de poser des questions et d’exprimer vos vrais désirs. Communiquez clairement avec les autres pour éviter tristesse, malentendus et drames.

4. « Faites toujours de votre mieux »
Il n’y a pas d’obligation de réussir, il n’existe qu’une obligation de faire au mieux. Votre « mieux » change d’instant en instant. Quelles que soient les circonstances faites simplement de votre mieux et vous éviterez de vous juger, de vous culpabiliser et d’avoir des regrets. Tentez, entreprenez, essayez d’utiliser de manière optimale vos capacités personnelles. Soyez indulgent avec vous-même. Acceptez de ne pas être parfait, ni toujours victorieux.

J’ai alors récité, en boucle, les quatre accords Toltèques, persuadé dans mon optimisme intérieur que des hommes et des femmes encore civilisés organisaient la résistance. Demain, nous allions trouver le remède pour ramener à la raison toutes ces âmes que je croyais perdues pour l’humanité alors qu’elles ne sont qu’égarées …

 

Le texte de cet article en audiodescription pour les personnes … qui veulent pô lire 😉

Pour aller plus loin et rire un bon coup 🙂