Et s’en va dans la campagne le petit train …

Pourquoi il faut impérativement réformer et vite la SNCF

La SNCF et ses usagers ne sont plus en phase et je vais vous expliquer pourquoi. En fait c’est assez simple, c’est juste un problème de représentation. Je m’explique. Pour le voyageur, la mission de la SNCF c’est … transporter des voyageurs. Mais pour la SNCF, son point de vue sur sa mission est différent. La SNCF pense que sa mission c’est … faire rouler des trains !

Et là, vous me dites « oui mais pour transporter des voyageurs, il faut faire rouler des trains donc ça matche !« . Grave erreur ! Car les besoins des voyageurs sont très différents des besoins des régulateurs du trafic de la SNCF. Et c’est pareil pour les contraintes. Les contraintes des voyageurs n’ont rien à voir avec les contraintes des régulateurs du trafic des trains.

J’illustre mon propos :

Ce soir, je monte dans un train qui a pour destination « Villiers sur Marne ». Le trajet est très chaotique et on avance pas. Après Val de Fontenay, le conducteur annonce : « compte tenu du retard pris sur notre trajet, notre terminus sera Nogent le Perreux.« . Ici, mon besoin c’est de me rendre à Villiers sur Marne. Le besoin de la SNCF c’est de faire rouler son train. A Val de Fontenay, je me suis déjà pris 12 minutes dans la vue et je peste contre la SNCF qui n’est pas foutue de respecter son engagement de m’amener à Villiers en temps et en heure. Le régulateur de la SNCF, lui peste contre ce train qui ne sera pas de retour à la gare d’Haussmann Saint Lazare au bon moment pour sa rotation suivante. A partir d’ici, la SNCF a 2 options :

  1. elle respecte son engagement envers les voyageurs et elle fait tout pour les emmener à Villiers sur Marne, la destination contractualisée dans le service qu’elle a vendu
  2. elle respecte sa mission de bien faire rouler les trains et elle stoppe son train à Nogent le Perreux pour que le train puisse repartir en sens inverse et être à l’heure à la gare d’Haussmann Saint Lazare

Le message du conducteur est sans ambiguïté. Le régulateur a choisi l’option 2. Nous avons été débarqués à Nogent le Perreux pour que le train puisse bien rouler et être à l’heure à la gare d’Haussmann Saint Lazare. C’est ce que j’appelle, pour le voyageur que je suis, « la double peine SNCF » :

  1. je suis en retard parce que la SNCF n’est pas foutue de faire rouler des trains correctement
  2. je suis jeté au milieu de nul part, loin de ma destination, juste pour combler les besoins du régulateur de la SNCF

Et si on met un peu de psychologie, dans la lecture de cet événement, on dirait que la SNCF a commis une faute – prendre du retard sur le service contractualisé avec le client – et plutôt que de s’excuser platement auprès du client et de l’amener à bon port avec mille excuses et peut-être même, si elle avait le moindre début de « posture de service », elle offrirait un dédommagement … au lieu de cela, disais-je, la SNCF fait supporter le poids de sa faute … sur le client !

Petite comparaison rapide :

C’est un peu comme si tu allais chez ton concessionnaire Peugeot avec une très forte envie d’acheter le nouveau 3008. Tu vas au Show room Peugeot, tu négocies et Pif, Paf, Pouf tu signes et tu paies rubis sur l’ongle, soit beaucoup d’euros, un magnifique modèle de Peugeot 3008 personnalisé avec plein d’option tout ça. 2 mois plus tard, ton concessionnaire t’appelle pour t’annoncer la livraison de ton magnifique véhicule. Tu te pointes à la concession et là … surprise ! C’est une épave d’ami 8 que tu dois réceptionner. Hé oui, car le besoin de ton concessionnaire c’est de se débarrasser d’une épave qui l’encombre et pas du tout de répondre à ton besoin d’avoir un véhicule pour emmener les enfants à la plage à Berck sur Mer pour voir le festival de cerf-volant d’avril 2018. Car le concessionnaire il s’en fout de ton besoin, lui il doit se débarrasser d’un encombrant et c’est tout ce qui le motive. Et en plus, si tu prends pas la vieille ami 8 pourrie, il t’annonce qu’il fera grève ! Donc tu devrais être content de toucher une épave d’ami 8 … le service de la SNCF, aujourd’hui c’est ça … (cf ma démonstration ci-dessus)

hum … vous comprenez mieux ce problème de  représentation différente maintenant ?

Bref, il est grand temps de réformer la SNCF pour qu’elle change de représentation et qu’elle se mette vraiment au service des voyageurs … en termes techniques cela s’appelle « la posture de service ». Et si la SNCF a besoin de visionnaires à long terme, je me ferai un plaisir de les aider dans ce processus de changement 😉

 

#maligneEvacraquer

Si vous voulez une démonstration plus détaillée, vous pouvez lire mon article « https://fabien292.wordpress.com/2017/11/26/allo-chef-ya-un-truc-qua-fait-toc/ »

News du 05/06/2018 :

Regardez bien ce mail que je viens de recevoir :


Il est daté du 05/06/2018 à 19h08 (en haut à droite du mail). Sachant que mon abonnement fréquence est a échéance le … 06/06/2018 à 00h00 soit … dans 4h52 !

Alors comment te dire madame SNCF … l’assistante n’a pas attendu demain que ma carte soit périmée pour refaire l’abonnement. Du coup, ton mois supplémentaire en juin, je ne le verrai pas puisque ma carte a maintenant une expiration au 05/05/2019 ! Donc la gratuité du mois de juin prendra automatiquement effet le 06/06/2018 pour un mois … déjà payé et encaissé par la SNCF. C’est ce qu’on appelle « Raser gratis » …  CQFD … la SNCF ne cherche pas à comprendre la situation du client. Elle raisonne de son propre point de vue et de ses contraintes à elle …

Le texte de cet article en audiodescription pour les personnes … qui veulent pô lire 😉

Quand tu pars en mission, fais confiance au plus malin que toi

Cet article est un témoignage à la gloire du bon usage de l’argent public.

Préparer une mission, cela veut dire préparer le contenu du dispositif d’investigation pour réunir les éléments factuels dans l’objectif d’éclairer les questions posées à la mission… ouf ! Mais cela veut dire aussi, organiser les déplacements sur le terrain. Vous avez compris que je ne parlerai pas du 1er point qui est intrinsèquement très ennuyeux. Par contre, je vais m’en donner à coeur joie sur la logistique du déplacement en région. Et préparez vous à lire du lourd, à découvrir des révélations inattendues et surtout à accéder à des informations jamais divulguées sur le fonctionnement des centrales de réservation d’hôtel qui travaillent pour le service public et donc … rémunérées avec votre argent que vous avez donné avec joie au trésor public.

Bref, l’institution pour laquelle je travaille a donc passé ce qu’on appelle un « marché ». Tiens, un jour, il faudra que je vous parle du mécanisme de l’appel d’offre. Ca vaut son pesant de cacahuète. Mais revenons à nos moutons, ou plutôt à la réservation d’hôtel. Peut-être vous souvenez-vous de cet autre article où je parlais d’un hôtel avec vue mer ? Si non, ce n’est pas grave, je vais vous narrer comment ça fonctionne.

Alors voilà, je me rends sur le site de notre prestataire. C’est l’agence de voyage qui a remporté le « marché ». Pour nous, c’est SBV. Oui on aime bien parler en acronyme. Et ne venez pas me dire que SBV veut dire « Société Bretonne de Volaille » (bruit de poules). Non, non, c’est « Selectour Bleu Voyage ». Dit comme ça, ça claque. Mais attendez de voir le résultat.

Alors, pour commencer, tu cherches partout comment entrer ton identifiant et ton mot de passe parce que l’assistante t’as donné ça mais que sur l’écran SBV bein … y’a pas ! Si si, vous pouvez vérifier : http://www.bleu-voyages.fr/

Bref, pas le choix, faut sortir le manuel PDF de 54 325 pages et essayer de trouver le mode opératoire qui va bien. Bon bref, 3h et demie plus tard, tu as enfin trouvé. Tu fais ta recherche. Genre, je cherche un hôtel à Toulouse pour les nuits du 21 au 22 mars et du 22 au 23 mars 2018. Et POUF il t’affiche la liste des hôtels disponibles sur une jolie carte avec des flèche rouges et vertes. Oui, au prix où on le paie, il a paramétré son logiciel en fonction de nos règles de remboursement des frais de déplacement. Et nos règles sont plutôt draconiennes …  rapport au bon usage de l’argent public tout ça.

A ce moment là, tu tires la tronche. Pourquoi me direz-vous ? Hé bien voyez-vous, bizarrement il n’y a aucune flèche sur le centre ville ! Toutes les flèches sont à l’extérieur de la rocade. Je ne sais pas si vous connaissez la rocade de Toulouse.  Mais on pourrait dire que « La rocade est à Toulouse, ce que le périph est à Paris« . Pour le dire autrement, il n’y a aucune flèche dans les quartiers sympas. Il n’y a des flèches que dans le neuf trois du côté de la Courneuve …genre gîte sympa « chez Jawad Bendaoud ».

Donc, SBV me propose que des hôtels très loin de là où je vais en mission. Alors, histoire de me faire une idée, discrètement … sans que SBV me voie … je prends mon téléphone portable et je fais mine de décrocher mon téléphone.

Moi : « oui … ha c’est toi ! Oui ne quitte pas … »

Et je je me lève pour aller dans le couloir, loin de la vue de SBV. Et là … PAF … je cherche avec mon tel sur tripadvisor … un concurrent de SBV que tout un chacun peut utiliser sans devoir payer très cher un appel d’offre. Bon, moi je dis ça … je dis rien …

Résultat ! Je m’en doutais ! Des hôtels disponibles dans le centre ville de Toulouse … il y en a pléthore ! Et dans nos tarifs des règles budgétaires de la mort qui tue pour bien utiliser l’argent public … il y en a ! La preuve :

Donc, ni une ni deux, je reviens devant mon ordi. Je m’assoie calmement dans mon siège. Je pose tranquillement mes deux bras sur les accoudoirs. Je regarde SBV droit dans les yeux et je lui dis :

Moi : « dis-donc, mon p’tit bonhomme … tu serais pas en train de m’entourlouper ? Hum ? Moi … je souhaite un hôtel au centre ville ! »

Et v’la t’y pas ce qu’il me répond le bougre

SBV : »ha mais mon pauvre monsieur. Vous pensez bien que c’est la toute première recherche que j’ai faite en priorité numéro 1. Mais voyez-vous, justement du 22 mars au 23 mars, à Toulouse c’est la Cassauce2018 … vous savez bien … la grande conférence mondiale de l’assaisonnement bio du cassoulet de l’ouest toulousain ! Alors vous pensez bien, trouver un hôtel au centre ville à cette date, c’est complet depuis 3 ans déjà ! »

Moi : « la … la Cassauce2018 ? … vous êtes certain ? »

SBV : « un peu mon n’veu ! Et si vous trouvez quelqu’un qui prétend vous vendre une chambre alors je vous fiche mon billet que c’est une arnaque à la carte bleue : vous réservez la chambre et quand vous arrivez sur place … POUF … pas d’hôtel … c’était du bidon ! Ha combien de clients se sont fait avoir comme ça ! »

Moi : « Mouais … » genre pas très convaincu

Mais bon, je n’ai pas vraiment le choix puisque je dois faire mes réservations avec SBV pour le bon usage de l’argent public tout ça.

SBV :  » bon alors, je vous ai trouvé un magnifique package premium, petit déjeuner inclus, pour vos deux nuits à Toulouse. Un hôtel remarquable que je vous recommande fortement … j’y ai moi-même séjourné pour mes vacances l’été dernier. C’était vraiment de très très belles prestations. Je vous fais cette réservation ? Attention il faut répondre vite car les chambres partent à très grandes vitesse … vous pensez une telle qualité »

Bref, je n’ai guère le choix. J’accepte ce « package premium avec petit déjeuner inclus« .

Nous voici au 21 mars. Après une journée éreintante, harassante, exténuante, fatigante, abrutissante, fastidieuse, usante, assommante … distrayante, captivante … ha zut, ça c’est les antonymes. Oui, j’aime bien utiliser le dictionnaire des synonymes 😉

Bref, le GPS nous amène devant le super hôtel et son « package premium avec petit déjeuner inclus« . Quand la voiture s’est engagée dans la petite contre allée derrière le carrefour drive, là où’sse que les employés sortent les grosses poubelles façon containers de 2500 litres sur roulettes qui schlinguent le rat mort depuis 3 semaines, et que le GPS annonçait « arrivée à 50 mètres », j’ai cru m’être trompé dans l’adresse de destination. Mais non, il y a avait bien là une grande borne lumineuse avec la marque de l’hôtel et surtout le prix de la chambre pour cette nuit … « 52 euros ». Heuuu hum alors comment dire … SBV me l’a vendue à « 108 euros » quand même ! Qu’il prenne une marge je veux bien mais là … il prend … attendez … je pose 3 et je retiens 2 … 107.69% Ha oui quand même …

Bref, on entre à pas mesurés. Ou, comme on dit dans le nord, on entre « avec les sabots de plomb« . Il y a une dame derrière le comptoir

Moi : « bonjour madame. On a réservé présentement pour deux nuits consécutives dans votre charmant petit établissement campagnard »

La réceptionniste : « Humm … oui effectivement. 2 chambres pour 2 nuits. C’est parfait »

Moi : « Dites … y-a-t-il de quoi se restaurer pour ce soir ? »

La réceptionniste : « Oui, oui tout à fait. Au centre commercial juste là. Vous trouverez plein de restaurants… »

Moi : « très bien. Merci madame. Que la soirée vous soit bonne et parfaite »

On s’en va vers l’ascenseur et quand on est finalement assez éloignés, elle ajoute

La réceptionniste : « Mouahh chouaaa pouaaa n’iou pavlovski dou pouchy 19h30 … hei ! »

Bon, clairement ou pas justement puisque j’ai rien compris, je continue mon chemin. Ça ne doit pas être très important  me dis-je. donc je lui réponds

Moi : « Merci bien pour toutes ces précisions et la bonne soirée à vous, n’oubliez pas d’embrasser le chien et changer l’eau du poisson rouge »

Comme ça, me dis-je, je pense qu’elle aussi n’aura rien compris … hi hi hi 😉

Bien, revenons à notre première impression. Il s’agit de l’hôtel « Montempô Apparthôtel Toulouse Balma ». Alors comment dire, vous avez le terme « Hôtel » dans l’appellation mais … ce n’est pas un hôtel. Voyez-vous, comme la pièce d’environ 7 m2 est équipé d’un meuble cuisine-évier-frigo, cela devient un « apparthôtel » … oui, oui c’est un concept …

Alors, si vous recherchez un coin pour dormir, le moins cher possible, au milieu d’une zone commerciale déserte à la nuit tombée, dans la banlieue la plus sordide d’une grande ville, du style « Formule 1 » pour réfugiés syriens alors … allez y car cet établissement peut correspondre à votre recherche. Mais si vous cherchez un … hôtel avec une chambre tout ce qu’il y a de plus classique alors fuyez à toutes jambes car la déception est au bout de la réservation.

J’arrive à ma chambre, non sans avoir croisé un groupe de 3 grands gaillards façon armoire lorraine, en tenue de chantier, le casque à la main et justement, dans leurs mains, de gigantesques sacs plastiques du centre commercial d’à côté. Sauf celui plus à gauche qui avait dans chaque main, un pack de 96 x 33 cl de Kro et débordant de son sac à dos, deux cubi de 250 litres d’Espicrace le branlou ce petit rouge local au cépage de Léon Millot.

Arrivé à ma chambre disais-je, j’introduis la carte dans le logement prévu à cet effet. Après un … touiiiiiite électronique … la lumière passe au vert et je peux clencher. A peine ai-je ouvert la porte que l’espace chambresque s’offre à moi. Stupeur et interlocation ! Oui, je suis interloqué ou mieux comment dire, je suis … émotionné, presque émoustillé. Tout d’un coup, toute ma vie défile devant mes yeux. Non, je vous rassure, je ne suis pas mort. C’est juste que cette chambre ressemble à celle dans laquelle j’ai dormi il y a de cela … 17 ans en arrière ! Si si, j’ai fait le calcul. Voyez-vous cet hiver là, je me trouvais dans la magnifique bourgade de Verdun dans la Meuse. Et ce jour là, une tempête de neige avait surpris tout le monde jusqu’au plus anciens qui connaissaient pourtant bien la rudesse du climat meusien en hiver. Pas moins de 4 mètres de neige en moins d’une heure. Plus moyen de rouler car il n’y a avait plus de route. Du blanc à perte de vue. Et moi qui devait rentrer à la maison 85 kilomètres plus loin, je me retrouvais bloqué sur place. Ce jour là, dans son immense bonté légendaire, l’afpa organisme de formation, me proposa de dormir dans une chambre de son hébergement. C’est ce que je fis puisque je n’avais pas le choix. D’ailleurs, c’est ce qui me permet de dire aujourd’hui aux plus jeunes … « oui bonhomme … moi … j’ai fait Verdun ! »

Bref, la chambre que j’avais devant moi ressemblait, trait pour trait à un hébergement afpa : même linoléum par terre, même lumière éclatante d’un gigantesque néon au plafond, 5 mètres plus haut pour qu’on ne puisse pas l’atteindre même avec un manche à balai, même table en formica collée contre le mur, même chaise unique en plastique unilever, même armoire en panneaux de particules à 4 sous imitation sapin moche, même grande fenêtre en PVC blanc du sol au plafond, sans rideau pour que toute la rue admire tes abdos chocolats quand il ne te reste que ton caleçon au sortir de la douche et surtout … 2 lits individuels pour ouvriers du BTP collés chacun à son mur. Hé bien vous me croirez … ou pas mais … j’ai senti les larmes à mes yeux. La perception du souvenir était trop forte : « oui … moi … j’ai fait Verdun ! »

Et ce que vous ne voyez pas sur cette photo, c’est le meuble « mini-cuisine » qui contient le célèbre mini-frigo des Apparthôtel. Célèbre car il fait, toute la nuit, un bruit de tractopelle qui rétrograde en première dans la montée de la Côte de Bourmont et crache la fumée noire de mazout … le mini-frigo qui vous pourri bruyamment la nuit.

Ceci posé, ce que vous ne sentez pas non plus, c’est l’odeur du kloug colmaté aux spoutzis que sont en train de préparer les ouvriers moldaves de la chambre d’à côté. Oui, ce sont les 3 grands gaillards que j’ai croisés dans le couloir en arrivant. C’est amusant d’ailleurs, de constater  à quel point les spaghettis bolognaises des ouvriers italiens de l’autre côté ne parvient pas à masquer les relents de Kloug. Hé oui, n’oublions pas que nous sommes dans un apparthôtel et que tout est prévu pour pouvoir préparer sa petite pitance.

Bref, tout cela m’ayant ouvert l’appétit, je décide de rejoindre le centre commercial tout proche comme me l’a indiqué la tenancière de cette cambuse.

C’est vers 19h45 que je suis arrivé sur les lieux de ce qui ressemblait plus à une scène de drame dramatique. Des dizaines et des dizaines de personnes semblaient s’enfuir en poussant devant eux leurs lourds chariots emplis jusqu’à déborder.

« Mon dieu me dis-je… qu’est-ce quoi donc ? Où est donc Ornicar ? est-ce là encore un horrible forfait d’un quelconque décérébré désirant imposer sa chaste vie sans alcool à quelques malandrins souhaitant seulement s’abreuver d’une pinte de houblon au coin d’un bar après une dure journée de labeur ? Mais si c’est le cas … alors … je n’aurai jamais le courage d’un colonel de gendarmerie ! Que faire ? M’enfuir à toutes jambes comme tous ces pousseurs de caddies ? »

C’est alors qu’en marge du flot de chariots à roulettes je perçois un client vautré par terre pour récupérer un paquet de 250 gr de Spaghettis Barilla aux oeufs frais pondus par des poules élevées en plein air. Le paquet était tombé de son chariot alors que les trépidations de sa machine secouaient énergiquement son contenu.

Je m’approche et lui demande

Moi : « Que vous arrive-t-il mon brave ? Pourquoi courrez-vous ainsi ? »

Le type avec son paquet de nouilles : « bein, c’est la fermeture … t’es pas d’ici toi … banane ! si tu sors du parking avant 20h c’est gratuit et après tu paies. Alors on se dépêche … »

Moi : « ha oui … évidemment … sinon, les spaghettis … c’est al dente la cuisson … ok ? »

Je peux donc me diriger gaillardement vers l’entrée du centre commercial. Ha oui mais … ici, en banlieue de Toulouse, nous ne sommes pas à Paris. Et les règles sont différentes. Voyez-vous j’apprends à mes dépends que le centre commercial qui ferme c’est … tout le centre commercial qui ferme même les restaurants ! Et de toute façon plus moyen d’entrer car les volants roulants descendent … inexorablement !

Bon, très bien. Je fais un tour sur moi-même pour constater que la zone commerciale se vide progressivement. La nuit déjà tombée semble maintenant s’écraser au sol et imposer sa noirceur à la tristesse des hangars métalliques au enseignes pourtant fleuries. Conforama par ci, Aubert par là, Sergent Major, Kiko, H&M, Jules, Orange, Norauto, Kiabi, Parking Métro, Cédez le passage, Balma – LaFoufount, Relais Métro-Bus, Z.A. Montredon, etc … quand subitement mon regard est attiré par un cube éclairé différemment. Oui je reconnais intuitivement les couleurs de cette enseigne. Je ne peux pas encore lire le nom mais mon instinct de parisien me dit que c’est un … Burger King ! Une valeur sûr ! Bref, je marche dans sa direction et effectivement après 4h de marche, je peux distinguer le célèbre logo inspiré du non moins célèbre Wooper !

Courage Bebel, d’ici 5 à 6h de marche, tu y seras. Mais quel ne fût pas mon désarrois une fois sur place ! Il était bien tout illuminé mais à l’intérieur … rien ! Les travaux ne sont pas terminés. C’est alors que j’ai pleuré toutes les larmes de mon corps devant le Burger King en construction et mon Wooper évanescent comme la brume sur le lac de Morimont, au petit matin du 31 Februarius de l’an du seigneur 1115, contemplé par les moines cisterciens venant tout juste de se rejoindre au presbytérium pour la prière en mémoire des renards chassés la veille au bâton de feu par les gueux.

Bref, j’ai finalement échoué au KFC. Une autre enseigne de nourriture industrielle mais nettement plus … comment dire … plus … chargée en lipide. Ou pour le dire plus clairement « ça sent très fort le graillon quand tu franchis la porte« . Hé oui, le concept de KFC c’est « tout est cuit dans l’bain d’huile« . Hé oui, je sais, c’est franchement pas terrible mais c’était la seule gargote ouverte ce soir là dans cette immense zone commerciale d’une banlieue perdue de Toulouse.

J’ai donc mangé mon Tower Original en me disant qu’à chaque bouchée je remplissais mes artères de gras forcément saturé. Une bouchée de Tower, une frite bien grassouille en faisant attention que le surplus de gras coule sur le papier absorbant du plateau et non sur mes Weston mocassin à pampilles noir ni sur mon costard Arnys que ma remis le week-end dernier mon ami Robert B. Et pour couronner le tout, je ne pouvais même pas faire glisser le tout avec un Coca Zéro car chez Kentucky Fried Chicken tu bois du Pepsy et pis c’est tout.

Bref tout en réduisant mon espérance de vie, je pensais à la douillette chambre qui m’attendait pour une nuit pleine de rêves et de jolis songes.

C’est donc rassasié que j’entrepris de faire les 8h de marches en sens inverse pour ramener à l’hôtel mes odeurs de graillon. Arrivé à hauteur dudit établissement, je vois du monde s’agiter sur le pas de la porte.

Je n’ai rien contre les d’jeuns qui louent des grosses BMW ou autres AUDI pour se pavaner dans les rues huppées de Toulouse. Puis qui vont pour la nuit, se terrer dans un hôtel le moins cher possible. Mais bon … ce soir, en revenant vers ma piaule de stagiaire afpa, j’ai croisé 2 d’jeun’s sortants d’une énorme BMW stationnée devant la grille d’entrée du garage. Ils avaient leur capuche tellement enfoncée sur leur tête que demain, je serai incapable de les décrire aux gendarmes. En effet, il ne fait aucun doute que ces derniers viendront me demander si je peux les aider dans une affaire de traffic de stup qui se sera déroulée la nuit où j’essayais de dormir dans cet établissement.

Puis en arrivant à la porte d’entrée, c’est une charmante famille de 7 personnes originaire des pays de l’est qui m’a lâché la porte dans la figure 😉 Je n’ai rien contre les familles originaires des pays de l’est. J’en ai contre les lourdes portes lâchées de manière impromptues dans ma tronche.

Las de cette soirée aux accents exotiques, je me suis laissé choir dans mon lit, non sans avoir tourné et tourné le manche du volet roulant pour le descendre. En effet, je ne souhaitais pas que toute la rue puisse admirer mon boxer « Le Slip Français » en flanelle duveteuse avec petits élastiques … là … et mes abdos façon tablette de chocolat.

Profondément enfoncé sous la légère couette d’été en ce 21 mars 2018 et ses -24 degrés ressentis, je règle l’alarme de mon smartphone sur 6h45 et je le pose sur la table de chevet … BOUM … « boum, quoi boum ? Hé merdeuuuuuu j’ai oublié qu’il n’y avait pas de table de chevet ! »

J’ai donc tenu le téléphone dans ma main toute la nuit. Mais ce n’est pas la raison principale pour laquelle je n’ai pas fermé l’oeil. Non, voyez-vous ma chambre est judicieusement placée en front de route départementale et juste au dessus de la porte automatique d’entrée du parking de l’hôtel.

J’ai donc pu apprécier, tout au long de la nuit, le frais gazouillis des moteurs diesel ralentissant, freinant, débrayant avant le passage du ralentisseur puis faisant la manœuvre inverse après le passage dudit ralentisseur. Et au petit matin, après 12 heures d’expérience, j’ai pu évaluer la qualité du soin que met chaque conducteur à débrayer puis embrayer, freiner puis accélérer au passage des dos d’âne, dans une mélodie des culbuteurs et arbre à came dont on ne soupçonnerait pas la capacité à tenir en éveil tout au long de la nuit.

Bref, après une nuit à ne pas dormir j’ai fini par fermer l’oeil vers 7 heure du matin, non sans avoir balancé mon smartphone dans la porte du mini-frigo qui venait de redémarrer pour la 1452 ieme fois. Tellement épuisé de lutter contre le bruit que mes neurones ont sombré d’eux même. On n’aurait pu me passer Carmina Burana à donf que plus rien ne pouvait me réveiller. Ou peut être si …

Voyez-vous, c’est une odeur qui m’a réveillé. L’odeur de cochon grillé. Si si, je vous assure, les ouvriers moldaves d’a côté, comme chaque matin, faisait leur sanglier à la broche pour leur petit déjeuner. C’est que … ça bosse fort un ouvrier moldave alors il faut le recharger en énergie avant la dure journée de labeur.

Bref, comme je n’avais pas le choix puisque, moi aussi, une nouvelle journée de dure labeur m’attendais, je me suis levé. C’est donc en traînant un peu les pieds que je me suis rendu à la salle du petit déjeuner au rez de chaussé.

De toutes petites tables en formica, des tabourets en plastique et un buffet parcimonieux m’y attendait. Je retrouvais bien là, l’esprit de la cantine pour stagiaires du BTP. 2 tartines de pain, un peu de beurre doux, un grand café, mon plateau était près pour un petit déjeuner façon « package premium« . Je comprends mieux pourquoi mes ouvriers moldaves ont préféré l’auto-organisation et le sanglier à la broche.

Bref, mon collègue me rejoint et contre toute attente la première chose qu’il me dit c’est « Si tu veux on annule la résa pour ce soir et je me charge de trouver plus confortable« . Vous pensez bien que je l’ai remercié de cette idée géniale.

Etape 1 : on regarde tripadvisor

Etape 2 : on trouve un hôtel avec 2 chambres disponibles dans les tarifs des règles de bon usage de l’argent publique machin tout ça. Bingo ! Hôtel Ours Blanc-Wilson quatre étoiles en plein centre de Toulouse, 2 chambres à 88 euros. Nickel chrome et c’est 20 euros moins cher que ce foyer SONACROTA 🙂

Etape 3 : on réserve le 4 étoiles et on passe un petit mail à l’assistante pour qu’elle annule auprès de SBV la nuitée de ce soir.

Etape 4 : on trouve une stratégie pour expliquer pourquoi on a du annuler cette résa et trouver un hôtel par nous même sans passer par SBV. Hé oui parce que là, on va payer nous-mêmes et on se fera rembourser aux frais réels sur justificatif. Heuuuu … on va dire que …. heuuu …. il y a eu une fuite de gaz dans l’hôtel et qu’il a du être évacué par précaution. Et donc on a du se trouver un hôtel par nous mêmes. Ca tient la route non ?

Etape 5 : il reste à dire à la concierge de l’hôtel qu’on ne sera pas là ce soir.

Moi : « bonjour madame, voilà on vous rend la carte de la chambre »

La réceptionniste : « Vous avez passé une bonne nuit ? »

… Grand blanc …

Mon collègue : « Pas vraiment ! D’ailleurs nous somme vraiment désolé mais nous avons fait annuler notre réservation pour ce soir. Ha oui dites, le 52 euros affiché sur votre borne devant … c’est vraiment le prix de la chambre ? »

La réceptionniste : « Bein oui. C’est 52 euros pisque c’est affiché 52 … »

Mon collègue : « Ha ouais parce que … regardez, sur notre voucher c’est … regardez … 108 euros … »

La réceptionniste : « Bein oui mais regardez… vous êtes passés par SBV, une agence de voyage. Moi … votre agence de voyage elle va me payer 52 euros …pour la différence … il faut demander à votre agence de voyage. »

On est donc partis, traînant notre fatigue, nos jambes, nos valises … les deux, celles à roulettes et celles sous les yeux …

Après la journée exténuante tout ça de travail, on est arrivés à l’Ours Blanc Wilson au centre de Toulouse. C’était quand même un peu autre chose et surtout, on a fait économiser 2 fois 20 euros soit 40 euros d’argent public !

Bref, quand tu pars en mission, fais confiance au plus malin que toi. Un jour je vous raconterai comment, dans une situation quasi similaire et avec le même SBV, on a contourné le système est on a passé la nuit à l’Abbaye des Capucins, hôtel 4 étoiles à Montauban. Evidemment avec le même collègue débrouillard et ses compétences affûtées en tripAdvisor.

Et en faisant cette folie, on a fait économiser 2 fois 6 euros d’argent public. Bref, en couchant dans des 4 étoiles, je contribue à la réduction de la dette publique … trop fier …

Un jour, quand je rentrerai au bureau, j’irai revoir monsieur SBV et je lui dirai ce que je pense de son « package premium avec petit déjeuner inclus« . Je crois que je lui dirai un « merci premium avec un grande tarte dans sa gueule incluse »

Ha tiens, et pendant que j’y suis, je propose un petit texte descriptif pour les sites de réservation en ligne qui en auraient besoin :

« Un ravissant petit hôtel familial situé dans la banlieue Est de toulouse. On appréciera particulièrement l’ambiance sonore environnante. Votre nuit sera paisiblement bercée au léger gazouillis des moteurs diesel des voitures, camionnettes et autres poids lourds apportant leur marchandises aux différents chalands de la zone commerciale alentour. On sera attentif au soin que met chaque conducteur à débrayer puis embrayer, freiner puis accélérer au passage des dos d’âne, dans une mélodie des culbuteurs et arbre à came dont on ne soupçonnerait pas la capacité à tenir en éveil tout au long de la nuit.

L’architecture intérieure, finement ciselée et pleine de références aux plus grands artistes néo-contemporains, est du plus effet. Les chambres, d’inspiration néo-sonacotra, rappelleront aux anciens stagiaires de l’afpa, leurs mémorables soirées chichon-picon-bière. Pour les autres, elles vous rappelleront vos années dortoir. Celles où vous posiez le matin vos pieds encore endormis sur le linoléum froid.

Si la sobre table, que d’aucun penserait d’inspiration Starck, est délicatement engoncée entre le pied de lit et l’armoire, c’est pour mieux rappeler à celui qui a connu le milieux carcéral, l’optimisation de l’espace d’une cellule de réflexion.

Et vous ne manquerez pas d’occuper votre soirée à tenter de vous connecter au réseau wifi taquin qui apparaît mais ne transmet rien. Quel souvenir garderez-vous de votre nuit ? Sans aucun doute, celui du démarrage à intervalle régulier du mini-frigo imitant à la perfection le ronronnement d’un réacteur d’airbus made in France fabriqué tout près de notre établissement … haaaa quelle fierté ! »

 

Le texte de cet article en audiodescription pour les personnes … qui veulent pô lire 😉